PRAXIS D'UNE ÉCOLOGIE DE L'APPRENDRE
Le projet Sup de Sub se déploie dans un environnement fondé sur la pratique artistique. Établir une écologie de l’apprendre, c’est identifier et analyser, par l’observation des différents lieux et formes d’apprentissage et des interactions entre les sujets, les principaux registres par lesquels les étudiants apprennent, c’est penser la pratique dans sa complexité pour en dégager une praxis et, ce faisant, mieux comprendre et conduire l'action.
Sup de Sub c’est en effet une ingénierie qui combine la diversité des modalités d’action, des formes, des lieux d’apprentissage et qui associe la pluralité des acteurs intervenants et étudiants à l’action en devenir dans un environnement responsabilisant et sécurisé pour les étudiants. Les indicateurs se construisent ainsi au fur et à mesure de son analyse et opèrent à la fois comme des indicateurs de résultat et comme des bornes facilitatrices de la poursuite de l'expérimentation.
Une ingénierie qui repose sur plusieurs leviers d’action mobilisés de façon coordonnée, comme en témoigne le parcours de la première promotion (promotion Russel) du Campus Issa Samb rentrée en septembre 2019.
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Un développement parallèle de différents cycles :
Le cycle des activités liées à la production artistique collective.
Le cycle des apprentissages par la médiation de l’action, des intervenants, des pairs.
Le cycle des trajectoires individuelles.
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Un enchaînement de phases et d’activités en interaction :
Phase Immersion [septembre - octobre 2019]
Activité principale : initiation et immersion dans l’activité de tournage aux côtés de professionnels. Une phase qui crée pour les étudiants déstabilisation et rupture par rapport à leurs représentations de la formation : rupture de lieu (immersion dans le Lubéron et le Vercors) ; rupture d’action (cinéma et tournage) ; rupture chronologique dans l’organisation des temps de formation.
Phase Transmission [octobre 2019 - janvier 2020]
Activité principale : transmission par l’équipe des intervenants donnant lieu à des apprentissages différenciés :
→ Apprentissage des techniques de la production avec une double finalité : support de la production collective et développement de compétences - clés : scénario, repérage, musique, image et son…
→ Apprentissage par l’action liée à la production collective : ex - dérushage et montage des vidéos.
→ Apprentissage transversal et d’ouverture : arts martiaux, programmation cinématographique, culture générale, culture juridique, travail sur le langage…
→ Apprentissage de soi : jeux d’acteurs, dialogue avec le directeur du projet.
Phase Transfert [décembre 2019 - février 2020]
Activité principale : accueil et tutorat par le groupe Issa Samb (IS - Marseille) du groupe Jean-Paul Curnier (JPC - Seine-Saint-Denis) nouvellement recruté ; le groupe IS est responsabilisé dans la prise en charge des activités de tournage de la phase immersion du groupe JPC.
Phase Trajectoire individuelle [mars - mai 2020]
Activité principale : le principal ressort de cette phase repose sur les entretiens individuels avec les étudiants. Une triple orientation : prise de conscience (ce que tu as appris), relation aux autres (ce que tu pourrais transmettre aux autres de ce que tu as appris), expression du vouloir (ce que tu souhaiterais devenir). Ces entretiens constituent une véritable séquence au cœur du processus apprendre. L’étudiant y est accompagné pour chercher et découvrir par lui-même les formes d’activités qui correspondent à ce qui n’est initialement qu’une image idéalisée.
Cette phase s'achève par la constitution d’un réseau de ressources éducatives et professionnelles qui va permettre à chacun de passer de l’intention au projet, de déployer l’intention dans le monde des possibles, dans la rencontre avec les professionnels, comme dans l’expérience de stage et l’expérimentation de la pratique.
Premiers principes d’une écologie de l’apprendre
Apprendre, c’est entrer dans une relation à la connaissance et à sa transmission fondée sur le partage et l’acceptation de l’autre. À noter que le concept de “reprise de confiance en soi”, si souvent identifié comme objectif dans les processus d’insertion, n’est pas premier dans la démarche SdS. Ce qui compte, c’est la confiance en l’autre, qui permet de l’accepter dans sa différence, d’accepter la relation de partage qui permet au contraire de se défaire de la posture de certitudes négatives, symptômes d’un système de défense, pour accepter – selon le modèle socratique – le risque de ne pas savoir et de douter, et par suite de “pouvoir vouloir apprendre”.
Apprendre, c’est se donner un passé : impossible d’avancer si l’on ne sait pas d’où l’on part ; apprendre, c'est “donner du passé à ceux qui n’en n'ont pas” ; c’est resituer dans l’histoire des humains et des idées sa capacité à se doter soi-même d’une histoire ; c’est ici que se noue l’un des points focaux de la démarche et la justification du principe d’autodidaxie.
Apprendre, c’est augmenter sa capacité d’action. Le dévoilement au sens de prise de conscience et de possibilité d’affirmation de soi déclenche la capacité d’action, voire même la direction de l’action.
Apprendre, c’est se découvrir soi-même comme sujet d’apprentissage. Il y a dans la pratique artistique, et notamment dans le jeu d’acteurs, une prise de conscience de ce que l’on est à soi-même le sujet de son propre apprentissage. Et cette découverte vécue et non imposée ouvre à la possibilité d’exister dans la relation à soi et à l’autre, de devenir responsable de son devenir. C’est s’ouvrir à l’existence pour soi hors de laquelle aucun apprentissage durable n’est possible.
Le travail qui s’opère à l’occasion de la pratique artistique relève du dévoilement dans le double sens de mise à jour et d’émergence, dévoilement de ce qui est déjà là, mais ne pouvait se manifester, dévoilement constitutif d’une dynamique d’individualisation et de reconnaissance de soi.
L’étudiant y reconnaît et nomme ce qu’il est, donc se détache du groupe tout en y affirmant sa place. Ce qui se développe là, c’est la capabilité comme préalable au développement des compétences, comme la possibilité effective qu’a un individu de choisir diverses combinaisons de modes de fonctionnement.
Apprendre, c’est s’inscrire dans la dynamique d’un collectif en construction fondée sur le principe de l’action réfléchie. Les différentes activités auxquelles contribuent les étudiants ne sont génératrices d’apprentissage que si l’expérience y est médiatisée par un travail réflexif qui concerne toutes les parties prenantes.
Les intervenants sont ainsi invités à conduire ce travail réflexif, non pas sous la forme du retour classique d’expérience, mais par une explicitation de leurs intentions pédagogiques et par un retour sur ce qui se produit avec le groupe classe. L’accompagnement des formateurs s’impose ici par ses effets systémiques comme une dimension indispensable au pilotage dispositif.